Obscurité ô ma lumière. Entretien avec Marianne Khoury (suite)

Publié le par Drinkel

Marianne Khoury (1)

Dans la première partie de cet entretien Marianne Khoury a évoqué ses origines méditerranéennes tout en soulignant son attachement à l’Egypte, son pays natal. Elle a grandi dans un milieu de cinéma entre un père producteur distributeur (Jean Khoury) et un oncle Artiste réalisateur qu’elle appelle affectueusement Jo (c’est le diminutif affectueux de Yûsef Chahine). Le père protecteur s’inquiétait pour l’avenir de sa benjamine (une différence d’âge de cinquante ans entre père et fille), et lui a fait faire des études solides de marketing et de Sciences Economiques d’abord à l’université américaine du Caire et ensuite à Oxford…

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Mais Marianne n’en a fait qu’à son désir, et une fois ses études terminées, elle est revenue en Egypte en 1982 et a fini par intégrer le monde du septième Art, en produisant des fictions dans le cadre de la société de production Misr international films Yussuf Chahine et a coproduit à ce titre plusieurs films du grand cinéaste égyptien ainsi qu’un film de Yusri Nassr Allah…Les psychanalystes auraient dit qu’elle a fini par restaurer la figure du père et celle de l’oncle malgré leur antagonisme…En tant que réalisatrice son choix s’est porté sur le documentaire  comme genre. Après avoir évoqué  son premier film Le temps de Laura (1999), elle continue son propos au sujet de son second film :

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-Le deuxième film que j’ai réalisé (et ce n’est pas simple hasard je crois) a pour sujet les pionnières du cinéma égyptien. J’ai réalisé ce film dans le cadre d’une série que je produis au sujet du monde arabe et l’avènement du mouvement féminin depuis 1900. C’est un film qui dure deux heures et que j’ai intitulé Les passionnées du cinéma. C’est un film où j’ai concilié mon désir de faire de la recherche (acquis à l’université) et celui de réaliser un film…Cela m’a pris deux ans de préparation et j’ai choisi comme fil de  narration le personnage d’une universitaire qui fait une recherche sur le sujet…J’ai raconté l’histoire de six femmes  pionnières  du cinéma : Amina Rizk, Amina Mohamed, Behidja Hafid, Fatma Roshdy, Assia Dagher, Marie Queenie…Ces femmes ont joué un rôle fondamental dans l’émergence du cinéma dans le monde arabe . A titre d’exemple les deux  libanaise Assia Dagher et Marie Queenie ont  produit chacune 50 films dont le film de Chahine Salaheddine (qui a coûté 200000 lires alors que le coût moyen des autres films était de 20000 lires !)

-Parlez- moi de votre dernier film Zelal.


- c’est un film qui m’a demandé beaucoup de temps pour sa réalisation. Pour moi un sujet de film fait d’abord partie d’un projet de recherche (c’est mon côté universitaire, je suis d’abord chercheuse). Zelal  m’a demandé cinq ans de préparation et je m’y suis personnellement investi à cause sans doute de mon enfance et de mon éducation…

-Lors de la présentation du film hier à minuit vous avez dit que Youssef Chahine vous avait mis en garde lors de votre tournage  du film…

-Oui parce que le film a un aspect affectif car il concerne la vie de personnages fragiles…Mais je n’ai eu besoin d’aucune protection particulière. Il y avait peut-être des risques mais je n’en étais pas consciente. Je n’ai pas eu peur. Par exemple j’interrogeais un jeune malade, je lui disais « Pourquoi tu es là ? ». Il me répondait : «Parce  que j’ai tué ma mère ». Et je continuais cependant à lui parler comme si de rien n’était.

-Lors de la présentation hier, l’animateur nous a mis en garde contre la dureté de certaines scènes, mais ce n’était pas si dur que ça. A la limite ces « malades » paraissent plus humains, en tout cas plus inoffensifs que des gens dit normaux que nous rencontrons dans la vie de tous les jours…

Mustapha Hasnaoui-Mon coréalisateur, le tunisien Mustapha Hasnaoui (décédé en Janvier dernier)  voulait au début habiter à l’hôpital pendant toute la durée du tournage mais nous avons trouvé que ce n’était peut-être pas une bonne idée. Mais on restait longtemps avec les pensionnaires de l’asile. Vous savez moi je ne sais pas ce que le mot folie veut dire, c’est un border line et chacun a un degré de folie en soi.

-Ets-ce que vous vous êtes familiarisé avec la littérature psychiatrique avant de réaliser votre film.

-Oui j’ai beaucoup lu à ce sujet. Et puis j’ai beaucoup d’amis psychiatres…

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Chris Marker 

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