Nouvelle génération de cinéastes africains...

Publié le par Drinkel

tartina_city.jpg

 

Donner un état des lieux du cinéma africain dans son ensemble  suppose qu’on parle d’une entité homogène aux contours définis, avec des structures identiques et une même histoire. Or c’est loin d’être le cas tant les différences sont grandes entre les cinématographies de l’Afrique subsaharienne et celles de Afrique du nord (terme à entendre dans son extension géographique, qui va du Maroc à l’Egypte). Et même à l’intérieur des deux grands blocs qui constituent l’Afrique noire, il y a des différences notoires entre les cinémas de l’Afrique noire francophone (Afrique de l’ouest et Afrique centrale qui englobe les cinématographies dynamiques de pays comme Le Burkina Fasso, le Mali, la Côte d’Ivoire…) et le cinéma des pays anglophones (Afrique du sud et Nigéria) et le cinéma lusophone avec des pays comme le Mozambique, l’Angola et la Guinée-Bissau. Il vaut mieux donc parler de cinéma (s) africains, en insistant sur la diversité culturelle, linguistique ainsi que la spécificité des contextes de production et de diffusion du film africain…

 

Souleymane+Cisse+1hP2F1qx5 Im 

souleyman Cissé

 

Concernant le volet thématique, il  était plus facile de parler en général du cinéma africain il y a vingt ou trente ans, quand les réalisateurs se comptaient sur les doigts d’une main, avec des cinéastes qui ont acquis une reconnaissance internationale comme Sembène Ousmane, Paulin Soumanou Vieyra, Djibril Diob ou Souleiman Cissé…Des thèmes récurrents pouvaient être dégagés des films de ces pionniers comme le poids de la tradition, le choc des cultures, le déracinement, la condition de la femme  et la misère dans les grandes villes. Ce « cinéma d’auteur » africain a bénéficié d’une bienveillance de la critique occidentale à un moment où le « troisième cinéma » et les « nouvelles vagues » se présentaient comme alternative pour désaliéner les écrans et lutter contre la main mise du cinéma hollywoodien  sur le marché du film à l’échelle mondiale.

 

sembene1.jpg 

Aujourd’hui ont peut parler d’une explosion de talents dans un contexte où l’industrie du film est pourtant en régression dans la plupart des pays d’Afrique noire où les structures de production et de distribution hérités de la période coloniale ont tout simplement disparu. Je pense à un pays comme le Sénégal qui fut le berceau du cinéma africain mais où il n’existe pratiquement plus de salles de cinéma ni de studios de tournage ni de laboratoires…

La plupart des nouveaux cinéastes africains travaillent hors des frontières africaines et parviennent à réaliser leurs films grâce à l’aide internationale particulièrement européenne. L’avènement du numérique a libéré les jeunes cinéastes des contraintes d’un matériel lourd avec les possibilités du kinéscopage et le transfert de l’image numérique sur pellicule argentique. Le Maroc offre des possibilités en ce sens et a montré la voie d’une coopération fructueuse entre l’Afrique du Nord  et l’Afrique subsaharienne. De nombreux films, y compris le beau Mooladé de Sembène Ousmane, ont bénéficié de la technologie de pointe offerte par les laboratoires de Rabat.

 

KEITA_Mama_2009_Dubai2.jpg

Le réalisateur guinéen Mama Keita

 

 

Les jeunes cinéastes africains, tout en continuant la quête des pionniers dans leur recherche d’un langage cinématographique original qui se nourrit  de la tradition orale et des possibilités d’expression de l’Art africain, montrent cependant plus de liberté dans le choix des sujets où leur vécu et leur individualité propre prennent le pas sur les thèmes classiques traités par leurs aînés. L’éventail est large et comprend le film politique comme l’admirable Tartina city du tchadien Issa Serge Coelo qui dénonce les exactions subies par les opposants au Tchad dans les années quatre vingt sous l’abominable régime de Hissène Habri, ou l’admirable Teza de l’éthiopien Hailé Gerima qui retrace l’histoire récente  de l’Ethiopie à travers le regard d’un militant issu de la mouvance  des années soixante dix.

Issa-Serge-Coelo.jpg 

Isa Serge Coelo réalisateur de l'admirable Tartina city (Tchad)

 

On trouve aussi  la comédie satirique comme  le film burkinabé de Missa Hebie En attendant le vote qui dénonce les méthodes fascistes des militaires  et la dérive qui accompagne leur prise du pouvoir. De même  le  fantastique socio politique fait son apparition dans le cinéma africain, comme c’est le cas avec Africa-Paradis de Sylvestre Amoussou ( Bénin) où le réalisateur imagine une inversion des rapports entre l’Occident et l’Afrique  dans un futur où le berceau de l’humanité deviendrait un Eldorado prospère  où les européens réduits à la misère chercheraient refuge et auraient le plus grand mal à obtenir leur visa pour l’Afrique… Les jeunes cinéastes africains comme leur homologues européens cherchent aussi à innover sur le plan formel et s’imposent des contraintes narratives (espace temps délibérément réduit à un seul lieu et un intervalle temporel précis), comme c’est le cas dans l’admirable Absence du cinéaste Mama Keita (d’origine guinéo-vietnamienne) où un jeune émigré revient dans sa ville (Dakar)  après quinze ans d’absence et se trouve confronté avec violence avec un passé familial et social où l’espace temps ressemble à un champs de mines…Avec Absence nous assistons à la naissance d’un véritable cinéma d’auteur en Afrique, où la construction formelle n’est pas sacrifiée à l’urgence thématique et au contenu social et où le fond trouve sa forme dans une tension véritablement créatrice. Sur un registre plus léger, on assiste aussi à la naissance de la comédie sentimentale qui traite le thème  des relations sentimentales et la quête de l’objet d’amour comme dans le cas du film ivoirien Le mec idéal  d’Owell Brown, ou de manière plus sérieuse le conflit entre les générations dans l’admirable Il pleut sur Konakry de Cheikh Fantamady Camara(Guinée, 2006) où le thème du conflit entre tradition et modernité  est exposé de manière magistrale.

 

labsence.jpg 

 

Je me suis limité ici à la nouvelle génération de cinéastes africains, en particulier dans  l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest, et omis d’évoquer la génération intermédiaire de cinéastes reconnus et consacrés à l’échelle internationale, tels Abderrahmane Sissako ou Idrissa Ouedrago dont les œuvres bien connues des cinéphiles  méritent à eux seuls de longs développements et des études approfondies. Il en est de même du cinéma arabe de l’Afrique dite blanche et du cinéma africain anglophone qui méritent chacun une étude à part, et sur lesquels j’aurai sans doute l’occasion de revenir dans ce blog.

 

 khouribga-festival-interview-timite-bassori

 

 A Khouribga ....

   

 

 

 

 

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article