Le Devoir de mémoire. Grand Ecran suite.

Publié le par Drinkel

47Celui qui y entre est un disparu, celui qui en sort  un nouveau né. Ainsi s’exprimait  l’opinion au sujet de la RTM à l’époque où j’y avais mis les pieds pour tenter ma chance. Avant de faire le Grand Ecran je me suis d’abord initié à la radio où j’enregistrais tous les samedi matin une heure d’émission au sujet de l’Actualité cinématographique. Je devais l’animer avec Ali Hassan qui avait déjà fait pareil avec Noureddine Saïl dans Ecran noir…Les cinéphiles marocains se souviennent peut-être du générique célèbre avec la voix de Nougarou ( sur l’écran noir de mes nuits blanches…et  quelques notes d’Eric Satie, et les commentaires étincelants de Noureddine Saïl au sujet de La Chambre claire de Barthes, ses entretiens avec Khatibi,  Arlando (l’attaché culturel du Brésil venu évoquer la mémoire de Glauber Rocha) …

brazil glauber rocha

Ma collaboration avec Ali Hassan fut de courte durée et je repris tout seul les rênes du commandement une année durant.  Bonheur de choisir la musique du générique (celle d'Armarcord), les thèmes à traiter et les invités, peu nombreux pour l’instant. Mais j’avais l’impression de parler à moi-même dans ce studio N°5 où Mme Fabien me précédait pour son émission de musique classique. On a beau dire que la radio était un médium chaud, je gelais dans la rue El Brihi déserte le samedi matin…Et ce n’est pas sans plaisir que j’acceptais la proposition de passer au petit écran lors du premier festival de Rabat (1987).

489819 olivier-assayasLe festival durait une bonne partie de l’été et avait lieu dans la Maison de la Culture au cœur de la Capitale. Un écran géant avait été installé de manière très professionnelle, et des invités de marque défilaient tout l’été. J’avais tout le loisir d’enregistrer des entretiens, prendre des extraits de films et préparer mon émission pour la rentrée. C’est  durant cet été que j’avais rencontré Jacques Demy, Olivier Assayas, Pascal Bonitzer, Sembène Ousmane venu présenter Xala et Raymond Adam qui nous a initié au cinéma ethnographique avec son Pygmée. Jean Claude Carrière anima un atelier scénario où un jeune assistant à la fac des sciences faisait ses débuts…C’est l’actuel Daoud Aoulad Seyed…J’ai accompagné Etienne Perier à Meknés où il devait présenter Un si joli village avec l’admirable Jean Carmet dans le rôle d'un juge d'instructionméticuleux. Mais la salle était vide car on était en plein mois d’Août. Et la canicule à Meknés…J’en ai profité pour faire découvrir la ville impériale au cinéaste et il m’a raconté par le menu sa carrière devant un verre de thé au transat…Une bonne manière de s’initier à la critique cinématographique.

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Jean Carmet

La première émission diffusée, une fois le générique installé par un ex ingénieur des ponts et chaussées reconverti en technicien télé, fut consacré au film marocain 44 ou les récits de la nuit, du réalisateur Moumen Smihi. Je découvrais l’ambiance stressante du travail sur des machines de montage (c’était bien sûr avant le numérique), l’exiguïté des espaces et le manque de moyens…Quelques bancs de montage pour toutes les émissions et il fallait se lever très tôt et dormir bien tard pour boucler l’émission avant Mardi. Il fallait ensuite passer par le PAD (prêt à diffuser), une sorte de censure sous couvert de technicité. Je découvrais la difficulté de travailler en équipe, l’entêtement de certains techniciens qui outrepassaient leurs prérogatives et se mêlaient des choix esthétiques, le conformisme ambiant qui imposait un look irréprochable avant de passer sur antenne…J’apprenais malgré moi à nouer une cravate et acceptait à mon corps défendant le fond de teint et le maquillage obligatoire. Dans le sous sol où m’attendaient les embaumeuses (entendez maquilleuses) je pensais inévitablement à la phrase avec laquelle j’ai commencé mon article. Celui qui y entre est un disparu….

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