Le dernier Sacrifice de Tarkovsky...

Publié le par Drinkel

           

 Le Sacrifice, film primé à cannes en 1986 fut le dernier film d’Andrei Tarkovsky, décédé peu de temps après avoir l’avoir terminé. Beaucoup de critiques et de cinéphiles considèrent cette œuvre comme l’un des meilleurs films de son auteur, au même titre qu’ André Roublev, le film longtemps interdit dans l’ex U.R.S.S. avant d’être « découvert » en Europe en 1969. Voici quelques réflexions que le Sacrifice m’a inspiré quand je l’ai vu lors de sa présentation à Rabat lors d’une rétrospective consacrée à Argos films…

andré

 

    Le Sacrifice s’ouvre avec La Passion de Saint Mathieu (Bach),  tandis que la caméra scrute les détails de « L’adoration des mages » de Léonard de Vinci…Ce prélude nous plonge dans une atmosphère mystico-esthétique. On connaît la passion de Tarkovsky pour la peinture, depuis Andrei Roublev dont le personnage principal était justement un peintre d’icones du XIIème siècle. Dans le Miroir (1978) il était déjà question de Léonard de Vinci.

   Le Sacrifice est le film testament de Tarkovsky. Le fait que le réalisateur ait décidé de le réaliser alors qu’il se savait atteint d’une maladie incurable, nous permet à posteriori  de mieux comprendre certaines scènes clefs, comme la prosternation d’Alexandre devant le Seigneur. Faites que les choses reviennent comme avant et je renoncerai à tout , implore Alexandre quand il apprend l’imminence d’une catastrophe nucléaire…Auparavant Alexandre avait reçu pour son anniversaire un livre de peinture religieuse qui l’a aidé à prendre conscience du chemin de la foi qui va le conduire peu à peu à renoncer aux biens de ce monde…

miroir

   Pressentant sa fin prochaine le réalisateur a cherché à communiquer ses ultimes réflexions dans ce film de deux heures trente…Nous retrouvons dans ce film magistral les thèmes récurrents dans l’œuvre  de Tarkovsky : le thème de la création et les tourments de l’artiste, la rédemption par la foi, l’exigence du sens moral et un certain goût pour l’ascèse…

    Ce film a dit Tarkovsky, est une parabole poétique.  Chaque épisode peut s’interpréter de différentes façons. Je suis bien conscient qu’il va à contre courant des idées communément admises aujourd’hui…Je me sens plus proche de la pensée orientale : celle qui, au lieu d’engluer les hommes dans le bavardage universel, leur rappelle les Voies du Dedans ».

    Le spectateur non initié à l’œuvre du maître peut être quelque peu désorienté par l’enchevêtrement des thèmes et des situations, voire heurté par le côté sombre de l’inspiration, le mysticisme outrancier comme la scène où Alexandre va rejoindre Maria, décrite dans le film comme une sorcière. Mais on  est vite happé par le souffle lyrique qui baigne le film de bout en bout. La parabole de l’arbre et l’enfant dans la scène finale gomme le pessimisme apparent et peut se lire comme une promesse de confiance dans l’avenir.

    Tarkovsky a bénéficié pour le tournage de ce film d’une équipe exceptionnelle. Les images de Sven Nykvist, l’un des plus grands chefs opérateurs du monde (collaborateur de Bergman) sont proches de la peinture. Le film a été tourné dans une île suédoise, ce qui a permis au chef opérateur de tirer profit au maximum d’une lumière en demi teinte caractéristique des pays du Nord. L’acteur principal, Erland  Josephson (Face à face, la Flûte enchanté) interprète avec un mélange d’exubérance et de retenue et beaucoup de profondeur le personnage d’Alexandre dans sa retraite méditative et son cheminement vers la foi…Passant tour à tour, d’une posture de recueillement au déchaînement mystique il parvient à rendre crédibles les hantises de son personnage…De Roublev à Alexandre, c’est la même quête de vérité et de beauté qui justifie la vie d’un grand créateur.sacrifice.jpg 

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