Barbarie à Berlin.

Publié le par Drinkel

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L’étrangère de la réalisatrice Feo Aladag,  allemande d’origine autrichienne  est le film qui a provoqué la surprise lors de la cérémonie de clôture de la cinquième édition du film de femmes en remportant trois prix : celui du scénario, celui du premier rôle féminin et enfin le Grand Prix. Surprise puisque le film avait été présenté la dernière journée après trois autres films et que beaucoup de participants avaient préféré se rendre ce soir là à la réception offerte par l’Association Bouregreg. Donc bien des convives n’avaient pas encore vu le film au moment de la remise des prix et ont du se rattraper lors de la projection en hommage au film gagnant qui a suivi le palmarès. Trois prix quand même et largement mérités. La cinéaste, très engagée contre la violence faite aux femmes avait déjà signé plusieurs documentaires sur cette question dans le cadre d’Amnesty Internationale, notamment la campagne intitulée « Halte à la violence contre les femmes ».

 

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      Le film raconte l’histoire tragique d’Umay, jeune femme d’origine turque qui refuse le mauvais traitement que son mari fait subir à leur enfant, et qui décide de rejoindre sa famille avec son fils pensant y trouver refuge. Mais la famille ne veut rien savoir car la femme appartient à son mari, ainsi que sa progéniture. Commence alors le douloureux calvaire de la jeune femme admirablement interprétée par Sibel Kikilli (l’actrice révélée par Fatih Akin dans Head On), qui doit en même temps pourvoir à ses besoins et ceux de son fils et fuir la persécution de la famille hantée par la peur du déshonneur. Le film, malgré un côté mélo, mais dans la meilleure tradition de Douglas Sirk, est un réquisitoire implacable contre le culte de la tradition qui broie les subjectivités et condamne les individus,  au nom de valeurs d’un autre âge. Ce thème déjà traité dans le cinéma arabe, en particulier dans le cinéma marocain des années soixante dix et quatre vingt (Poupées de roseaux, Chergui…), prend une nouvelle actualité ici, car les faits relatés se passent à Berlin, ou des crimes d’honneur ont défrayé la chronique ces dernières années au sein de la communauté allemande d’origine turque (près de 2,7 millions dans toute l’Allemagne).

 

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Même si la réalisatrice se défend d’avoir voulu faire un film sur l’immigration, un de plus, et qu’elle cherche surtout à dénoncer des pratiques plus fréquentes qu’il n’y paraît sous différentes latitudes et dans différentes sociétés, il n’empêche que le film est perçu comme une dénonciation spécifique des coutumes de cette communauté là, et sans doute a-t-elle raison de le faire car il y a urgence. Le film suscite la révolte et l’indignation du spectateur tant les traits sont grossis et les situations extrêmes. Lorsque la jeune femme désespérée, vient frapper avec son fils à la porte de ses parents pour assister au mariage de sa jeune sœur, et qu’on lui ferme la porte au nez, c’est proprement insoutenable. Fallait-il faire assassiner la femme ou son fils en pleine rue par un frère vengeur et soucieux de l’honneur familiale ? Là on et franchement dans l’excès même si le code  l’honneur imposait à la famille d’aller jusqu’au bout, comme dans la tragédie grecque. Et j’avoue pour ma part avoir éprouvé une certaine gêne car l’excès au cinéma est contre productif. Reste que le film est une œuvre forte, maîtrisée de bout en bout avec des interprètes qui pouvaient postuler pour des prix de second rôle, notamment les parents. Mais là le jury aurait été dans l’excès, et trois prix c’est déjà pas mal.

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Publié dans festivals

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