La Rose Blanche...

Publié le par Drinkel

 

Suite à mon article sur le film de Schlöndorff, Les trois vies de Rita Vogt, j’ai le plaisir de vous donner à lire cet extrait d’une conférence  sur «  l’image de la terroriste dans le nouveau cinéma allemand » que la grande théoricienne du cinéma féministe, Gertrude Koch, avait faite à la Faculté des Lettres de Rabat il y a quelques années. Gertrud Koch a fait des études de Sociologie, de Philosophie et des Sciences de l’Education à Francfort. Elle a enseigné les Etudes cinématographiques à l’université de Bochum de 1991 à 1998 et la Science du film à l’Université libre de Berlin. Elle a publié de nombreux ouvrages et articles, notamment son étude célèbre sur Siegfried Kracauer, philosophe et théoricien du cinéma à l’époque de la République de Weimar. L’extrait que je diffuse ici a été publié dans l’ouvrage Cinéma, Histoire et Société que j’ai coordonné.

 

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« En 1982 ont été tournés deux films ayant pour thème le groupe allemand de résistance de la Rose blanche. Sophie Scholl est la figure centrale de chacun de ces deux films, ce qui n’est pas pour étonner. Dans la version cinématographique de Michael Verhoeven sur La rose blanche, c’est à elle en effet qu’il revient d’ouvrir la séquence finale. L’exécution de Sophie Scholl atteint un degré de cruauté sans pareil à l’instant où la hache frappe le cou fragile de la jeune fille –créature juvénile et idéalisée. Immédiatement à la suite de cette séquence, on peut lire sur un panneau une citation émanant du second tract de la Rose blanche :

                        Si une pareille vague de révolte

                        Parcourt le pays,

                        Si quelque chose « se prépare »,

                        Si beaucoup participent,

                        Alors il sera possible,

                        Dans un violent et ultime effort,

                        De s’affranchir de ce régime.

 

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            Suit alors une série de photos documentaires de membres de la « Rose blanche ». Les douze photos des six personnes différentes sont disposées de telle sorte que deux photos d’une même personne sont montées sur un même plan. Il s’agit là de photos « classiques », provenant des archives du groupe, mais présentées dans un cadrage différent : elles perdent ainsi leur banalité de photo amateur pour acquérir le caractère de portraits photographiques hyper stylisés. Il y a quelque chose qui dérange dans cette séquence de photos : d’abord, elles sont intégrées dans le montage contradictoire –et de ce fait volontairement cynique- de l’exécution de Sophie Scholl sur le texte du tract ; ensuite, ce double montage conduit du cou de Sophie au texte plein d’optimisme : celui-ci paraît alors nettement coupé de la mort qui clôt le film sur un point de vue peu réaliste, par le biais de la séquence de la photo déjà citée…

 

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            Dans ce montage de photos, il est possible de discerner au moins le désir d’une unité symbolique-en opposition avec les différences sociales et sexuelles- et reconnaissable à cette contemplation narcissique tournée vers son propre axe. Après l’exécution, puis après le tract, les photos semblent étrangement détachées du reste du film ; le dénouement narratif et formel du film fait alors figure d’épitaphe, d’allusion au repos des morts, ces héros qui portent désormais le regard rétrospectif et narcissique sur leur propre vie : belles âmes appartenant à un autre monde, où la triade œdipienne « homme + femme + enfant » semble totalement absente, dans un royaume d’égalité, et de symétries totales à force d’immobilité. La triade œdipienne se mue alors en une bande de frères et sœurs présentées avec symétrie : une idée qui, pour le groupe de jeunes réunis autour de la « Rose Blanche », n’était assurément pas que superficielle. Mais là n’est pas notre propos. Sur ce point, on peut interpréter le montage final des photos historiques comme un tableau souvenir idéalisé , qui aboutit en une sorte d’ultime apothéose à une fresque historique cinématographique… »

 

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