La mort en ce désert. Rosa morena et Mirages.

Publié le par Drinkel

J’ai dit dans mon précédent article que le social était revenu avec  force dans de nombreux films présentés lors de la dernière édition du festival de Marrakech. Le cinéma donne à voir le vrai visage des métropoles du sud où des populations de plus en plus nombreuses subissent le nouvel ordre mondial caractérisé par l’exclusion et l’indifférence aux souffrances de la multitude. Le film Rosa Morena, programmé comme représentant le Danemark est en fait, aussi bien par son sujet que par l’origine du réalisateur, un film brésilien. Le film a été tourné dans les quartiers périphériques de Sao Paulo par le jeune cinéaste Carlos Augusto de Oliveira, né au Brésil en 1974 et parti au Danemark en 2000 où il a étudié le cinéma, après avoir fait des études d’architecture dans son pays d’origine.  Rosa Morena est son premier long métrage et la première coproduction entre le Brésil et le Danemark.

Le film raconte l’histoire de Thomas, un architecte qui vit à Copenhague et gagne bien sa vie en construisant des immeubles et des pavillons qui enlaidissent chaque fois un peu plus l’espace urbain et lui donnent peu de satisfaction en dehors du bien être matériel. A quarante ans il se rend compte de la vacuité  de son existence et éprouve le besoin d’adopter un enfant. Au Danemark la demande lui est refusée en raison de son homosexualité. Il part au Brésil pour changer d’air et sortir de sa crise morale. Il retrouve son ami d’enfance qui forme un couple avec une jeune femme qui travaille dans des ONG d’aide pour les familles en détresse. Celle-ci lui fait savoir qu’il y a moyen d’adopter un enfant à condition d’accepter un mariage blanc qui lui permettrait de passer pour un père et rapatrier l’enfant.

Il rencontre à cet effet la belle Maria, une belle brune qui habite les favelas dans la banlieue de Sao Paulo. Enceinte, celle-ci accepte la proposition de Thomas à condition qu’il lui achète une maison pour élever l’enfant durant les premiers mois après l’accouchement en plus du prix du bébé à adopter. En fait Thomas est victime d’un complot manigancé par Maria et son entourage. Elle tente en vain de séduire Thomas mais  le couple fonctionne quand même. La naissance d’une petite fille à la beauté sauvage crée de vrais liens dans la petite famille jusqu’au moment fatidique où Thomas décide de rapatrier la petite fille…

Cette histoire peut se comprendre comme une allégorie sur les rapports Nord-Sud, le nord capitaliste qui impose sa logique de profit au reste de la planète et réifie tous les rapports humains en rapports marchands y compris la vie. De l’autre côté le Sud, incapable de proposer une alternative viable et condamné en fin de compte à subir la dure loi du capitalisme à l’ère de la globalisation. Maria désespérée, accepte finalement de confier sa fillette à Thomas, car elle est plus rassurée sur le sort de sa petite fille grandissant dans une société opulente (en l’occurrence le Danemark) que dans la favella de Sao Paulo. De ce point de vue Rosa Morena est un documentaire sociologique qui donne à voir les maux dont souffrent les métropoles géantes d’Amérique Latine, avec des quartiers lépreux où les populations sont entassées dans des ceintures de misère et vivent d’expédients en subissent la loi de la jungle avec une violence de plus en plus meurtrière.

Le film marocain, Mirages de Talal Selhami tente d’aborder la question du devenir de la jeunesse dans un monde dominé par la même logique d’un capitalisme mondialisé, de plus en plus cynique. Ici l’allusion est directe puisque le film raconte l’histoire de cinq jeunes gens, à qui une multinationale fait subir une épreuve inhumaine pour tester leur capacité d’endurance et leur aptitude à entreprendre et trouver une solution dans une situation limite et imprévisible. Les cinq jeunes gens se retrouvent donc abandonnés dans le désert, à la suite d’un accident intentionnel, et c’est le plus entreprenant et imaginatif parmi les cinq candidats qui aura le poste tant convoité.

Sujet bien difficile car dans un désert seule l’imagination et le savoir faire du metteur en scène, ainsi que le jeu des acteurs peuvent faire supporter au spectateur ce huis clos ouvert qui dure quand même près de cent minutes. Et là il faut bien le dire, le film est tombé en panne après la première demi heure où l’attente fut judicieusement éveillée. Alors à qui la faute ? Les acteurs dont les gesticulations et les coups de gueule finissent par devenir lassants surtout quand l’hémoglobine s’en mêle ? Les dialogues, en pure espéranto sans aucune once d’authenticité ? Pourtant les paysages sont à couper le souffle et la ligne d’horizon augure de beaucoup d’espérance. Le réalisateur dit avoir voulu faire un film de genre, d’ « aventure fantastique » pour reprendre ses propres termes.  Le jeune réalisateur qui vit entre le Maroc et la France semble avoir bénéficié de toute l’aide nécessaire avec un producteur chevronné comme Nabyl Ayouch et d’excellents acteurs dont le grand Omar Lotfi qui a crevé l’écran dans Casa Negra alors qu’il est presque méconnaissable ici dans son rôle de souffre douleur, même s’il parvient par sa seule présence à soutirer quelques rires par pure sympathie pour sa personne. Le réalisateur affirme avoir tourné à la va vite (vingt et un jours). Espérons qu’il prendra plus de temps pour son prochain film, qu’il dit vouloir tourner à nouveau dans le désert (L’Oasis).


Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article