Fritz Lang ou Le cercle du destin

Publié le par Drinkel

 

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De 1920 à 1933 Fritz Lang a donné le meilleur de lui-même sur le plan cinématographique. Ses meilleures œuvres datent de cette époque : M. le Maudit, Métropolis, Les trois lumières et Le Testament du Dr Mabuse. Cette époque fut d’une certaine manière l’âge d’or artistique et culturel de Berlin comme le souligne le scénariste Curt Siodmak dans le documentaire de Jorge Dana. L’œuvre de Fritz Lang fut le résultat d’une collaboration étroite avec la scénariste et actrice Thea Von Harbou qui sera la deuxième épouse de Fritz Lang et finira par rejoindra les rangs du parti nazi en 1932 un an avant leur divorce. C’est elle qui écrira les dialogues et le monologue final de M le maudit, c’est elle qui a écrit le roman dont Métropolis fut tiré…Dans quelle mesure leur divorce a-t-il été à l’origine des démêlés de Lang avec la censure nazie qui a refusé de lui octroyer le visa pour son film Le testament du Dr. Mabuse avant son entrevue célèbre avec Goebbels, alors ministre de  propagande du troisième Reich. Lang a semble t-il confectionné plusieurs versions  du récit de cette rencontre… Dans le documentaire de Jorge Dana (Le cercle du destin, 1998) Lang raconte comment Goebbels lui a fait part de l’admiration du Führer pour  Métropolis et Nibelungen, films qu’il a vus et aimés. Il se serait écrié « c’est l’homme qu’il nous faut pour créer le film nazi ! ». Goebbels propose donc à Lang de devenir le directeur du Centre cinématographique nazi. Et celui- ci, pour se tirer d’affaire invoque l’origine juive de sa mère. C’est alors que Goebbels lui dit : « Mais c’est nous cher M. Lang qui décidons qui est juif ou pas! ». « J’étais trempé de la tête aux pieds conclut Lang  et l’après midi même je quittais Berlin ».

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Dans ce même documentaire Fritz Lang se défend d’avoir jamais voulu faire la propagande du Surhomme allemand rédempteur du monde ou d’avoir cherché à exalter l’architecture et le style nazi comme cela lui fut reproché en particulier dans des films comme Métropolis et Nibelungen. Il a été critiqué pour son sens de la démesure et  sa responsabilité dans l’écroulement de la UFA qui était alors la plus grande usine européenne de fabrication d’images en Europe.  Il cherchait à conquérir le marché américain et à rivaliser avec Hollywood et a mobilisé des capitaux jamais égalés dans le cinéma européen de l’époque en particulier pour le tournage de Metropolis. C’est du moins le point de vue que défend Schlöndorff dans son témoignage.

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             Fritz Lang a été critiqué pour sa tyrannie sur les plateaux et la manière excessive avec laquelle il dirigeait ses acteurs. Il les poussait souvent à leur limite au péril de leur vie.  C’est ainsi que Brigit Helm a failli brûler vive dans le bûcher final de Metropolis et a failli mourir en tombant du haut des escaliers dans la scène où elle s’accroche à une corde…Lang invoque l’exigence de perfection et la nécessité de tirer le meilleur de ses acteurs en les poussant à se surpasser. Selon plusieurs témoignages Lang entretenait des rapports de pouvoir avec ses acteurs, en particulier les femmes qu’il sortait de l’anonymat et en faisait des starlettes qui lui étaient entièrement soumises  comme ce fut le cas pour Gerda Maurus qu’il a découverte dans un cabaret de Vienne et ramené à Berlin.

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            Lors de son exil américain qui a duré vingt ans Fritz Lang perdra beaucoup de sa superbe et ne retrouvera jamais paradoxalement la liberté de travail qu’il avait eu en Allemagne, malgré les vingt deux films qu’il y a réalisés. Il n’y trouva qu’oubli et amertume. De retour en Europe en 1957 il est déjà fatigué et affaibli par l’âge. Ses films « hindoues »  (Tombeau hindou, Le tigre du Bengale) n’ont eu qu’un succès mitigé. C’est curieusement grâce à la nouvelle vague française qu’il ressuscitera dans les mémoires. On se souvient de son rôle en tant qu’acteur qui joue son propre rôle dans Le Mépris de Jean-Luc Godard. Chabrol qui  voue un véritable culte pour les premiers films de Lang croit avoir trouvé la clef de l’efficacité de son langage cinématographique. C’est le cadrage. Le monde s’arrête au cadre. Chaque plan est considéré comme l’ensemble du monde. D’où ce sentiment  de fatalité inexorable qui marque le destin des personnages de ses films.

 

Publié dans Histoire du cinéma

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