Elle est belle ma ville...
Tous les festivaliers que j’ai croisés à Rabat, qu’ils soient cinéphiles ou simples spectateurs sont unanimes : L’édition de cette année du festival du « cinéma d’auteur » est un fiasco total. Salles désertes, débats inexistants, conditions de travail déplorables pour les membres du jury, programmation hasardeuse et incohérente, non respect des horaires, films déjà vus…. J’ai beau passer devant le stand magnifique dressé devant l’ex ministère de l’Information pour abriter les débats, je n’ai vu que des chaises vides et une table rectangulaire qui crève d’ennui. La belle salle du Renaissance qui fut naguère un haut lieu de cinéphilie, apprêtée pour la circonstance est devenu semble t-il un four…où d’illustres invités ont failli étouffer. Heureusement que le Bar mitoyen du Renaissance ouvre généreusement ses portes pour accueillir les convives malmenés, autour d’une bière fraiche…
Il est temps que cesse le scandale de ce non événement qui a lieu chaque année et que le Conseil Préfectoral arrête une fois pour toutes d’accorder des deniers publics à ce pseudo festival dirigé par des gens aussi frivoles qu’incompétents, et totalement ignorants des choses du septième Art. Non qu’il faille supprimer l’idée d’un Festival cinématographique, la Capitale en a bien besoin, mais le confier à une équipe compétente avec de vrais cinéphiles et des gens qui ont le sens de l’organisation et une crédibilité en la matière.
Depuis 2009 le scandale a éclaté au grand jour, lors de la quinzième édition quand le Président du jury Moritz de Hadeln, qui n’est pas n’importe qui, a pointé dans un langage feutré et diplomatique les dysfonctionnements d’ordre logistique, la disparité des niveaux des films et l’hétérogénéité de la programmation et l’absence de ligne conductrice dans la sélection des films en compétition, avant de recommander dans sa déclaration finale, lue devant convives et diplomates lors de la cérémonie de clôture « davantage d’efforts…pour redonner au festival le prestige qu’il mérite ». En langage diplomatique c’est une gifle aux organisateurs car de mémoire de cinéphile jamais un jury ne s’est arrêté sur les aspects organisationnels des festivals sinon pour louer les mérites des organisateurs. Et Moritz de Hadeln sait de quoi il parle, lui qui a fait le festival de Berlin et rénové celui de Venise.
Rabat mérite mieux, car la Capitale du Royaume du Maroc qui arbore fièrement sa nouvelle Constitution donnée en exemple aux pays arabes et à beaucoup de pays riverains, ne peut rester à la traîne sur ce plan, d’autant plus qu’elle fut longtemps l’épicentre de la cinéphilie marocaine et continue à abriter les institutions cinématographiques du pays (CCM, Cinémathèque…).
Rabat la belle, avec son nouveau tramway et ses avenues inondés de lumière et balayés par la brise atlantique en cette période estivale, mérite un grand festival. Et je ne voudrais pas m’écrier comme naguère Kateb Yacine : Elle est belle ma ville mais elle ne m’appartient pas !